Sujet
Dr. Stephan Lang,
Dipl. sc. pol. Univ.
Sur le plan économique, les Etats membres
de l'Union européenne sont déjà parvenus, au
sein de la Communauté, à un niveau d'intégration
élevé dont la base légale leur offrait le Traité
sur l'Union européenne signé le 7 février 1992
à Maastricht. L'exemple le plus récent d'une coopération
économique et monétaire réussie constitue outre
la création du marché unique la monnaie unique européenne
introduite officiellement le 1er janvier 1999, tous les Etats membres
étant finalement en mesure de remplir les critères
de convergence nationaux.
Par contre, peu de progrès seulement ont pu être enregistrés
jusqu'à présent au niveau de l'uniformisation des
règles de droit au sein des forces armées de l'Union
européenne bien que la République fédérale
d'Allemagne se soit efforcée plus que tous les autres Etats
européens d'incorporer ses forces armées dans des
structures multinationales. Figurent parmi les preuves de cette
politique par exemple la constitution du Corps européen et
celle du Corps germano-néerlandais tout comme d'ailleurs
la mise en service du Corps germano-danois-polonais. C'est ainsi
que l'armée de terre allemande, en particulier, a connu une
évolution qualitative menant de l'intégration au sein
de l'OTAN à la multinationalité; une formule qui vise
à manifester dans les formations opérationnelles une
intention de commandement unique et transnationale dont les effets
ne se feront sentir pas seulement en opération mais aussi
en temps de paix. Le défi constitué par la nécessité
de trouver des solutions aux problèmes suscités par
la multinationalité réside avant tout dans la mise
en uvre de contraintes politiques. Pour une bonne partie,
ces objectifs découlent du Traité d'Amsterdam signé
le 2 octobre 1997 et entré en vigueur deux ans plus tard,
traité qui a pour but de progressivement transformer l'Europe
en un espace de liberté et de sécurité. Aussi
quant à la politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) ce traité offre un dispositif nettement amélioré
devant permettre à l'Union européenne de faire valoir
plus fort ses intérêts sur le plan international.
La Bundeswehr représente l'un de plusieurs instruments de
la politique étrangère et de sécurité
allemande dont les buts sont la coopération internationale
ainsi que la prévention de crises et de conflits. Dès
lors, la multinationalité doit aujourd'hui être considérée
comme sous-objectif et instrument de la politique de sécurité
allemande qui - l'expérience de l'Ex-Yougoslavie l'a montré
- peut être mise en uvre sous participation notamment
des Etats-Unis dans le cadre d'une architecture de sécurité
pan-européenne. Sont bien évidemment associés
à ces tâches et aux objectifs qui en résultent
des objectifs intermédiaires résidant, entre autres,
dans la familiarisation des Etats voisins est de l'Allemagne avec
les structures occidentales ainsi que dans
la réalisation d'un régime de sécurité
basé sur la coopération et favorisant les principes
de la compensation et du partenariat1.
Ce fut aussi le souci de l'ancien Ministre fédéral
de la Défense, Volker Rühe, de développer les
résultats obtenus jusqu'alors en matière de multinationalité,
et c'est le Ministre fédéral de la Défense
en fonction, Rudolph Scharping, qui a repris cette initiative comme
le démontrent déjà le traité de coalition
en date du 20 octobre 1998 et les déclarations de principe
les plus récentes.
Avant de pouvoir aborder le sujet de "multinationalité",
la clarification de quelques notions s'impose. Dans ce sens, il
est question d'esquisser les formes que peut prendre la multinationalité
- les bases juridiques et parfois même les bases légales
incluses - avant que ne puissent être traitées les
questions de fond en la matière. Tout d'abord, outre les
tentatives de donner quelques définitions, il convient toutefois
de jeter un coup d'il sur le développement historique
de la multinationalité au sein de l'Alliance qu'est l'OTAN.
1. La notion de multinationalité
Dans l'usage commun, on ne parle de multinationalité
que si le commandement de corps de troupe multinationaux implique
des contacts réguliers avec les différents échelons
hiérarchiques militaires. En règle générale,
il y a certaines procédures d'après lesquelles de
tels contacts sont à établir, procédures qui
sont convenues soit par traité entre les Etats participants,
soit au niveau des ministres de la défense ou des commandants
subordonnés, soit au sein de l'état-major d'un corps
de troupe même par voie d'ordre coordonné du général
commandant le corps de troupe. D'après cette définition
générale, la multinationalité résulte
de structures politiques renforcées en Europe et dans le
monde entier. Tant qu'une telle situation n'a pas de répercussions
sur la souveraineté des Etats et qu'une adaptation des régimes
juridiques et de commandement des armées concernées
ne s'en suit pas, la multinationalité ne donne lieu à
aucun problème ou conflit grave.
Si l'on considère les définitions données en
rapport avec la situation respective des formations multinationales
existantes, il devient clair que la notion de "multinationalité"
peut couvrir des états de choses très différents.
Car la multinationalité pose d'autres conditions que la binationalité
et elle ne doit pas non plus être confondue avec la notion
de supranationalité2. La comparaison des modèles esquissés
démontre que la nature de la coopération au sein de
contingents militaires multinationaux va d'une coopération
entre unités et formations purement nationales jusqu'à
la composition de compagnies constituées par des personnels
d'origine multinational.
En principe, ces différentes formes de coopération
peuvent-elles être englobées dans le terme simplifié
de 'coopération entre différentes forces armées
dans la poursuite d'un but donné'. Le contenu et les motifs
d'une telle coopération, toutefois, font l'objet de divers
accords intergouvernementaux et nécessitent, pour des raisons
de fait et juridiques, une certaine formalisation. La notion "d'intégration"
désigne le principe fondamental du travail d'état-major
international des commandements OTAN tandis que celle de la "multinationale"
est relative à la caractéristique élémentaire
propre aux forces prêtes à être engagées.
Depuis la rencontre des chefs d'Etat et de
gouvernement lors de la réunion du Conseil de l'Atlantique
Nord se tenant les 5 et 6 juillet 1990 à Londres, le sujet
de "multinationalité" a gagné en importance.
A cette occasion, en effet, il a été décidé
que l'Alliance s'appuiera de plus en plus sur des corps d'armée
multinationaux constitués par des unités nationales3.
Ce fut déjà lors de sa création en tant qu'alliance
défensive collective que la multinationalité au sein
de l'OTAN était déclarée comme l'une de ses
caractéristiques élémentaires; seulement en
réunissant leurs efforts de défense dans des structures
communes les nations de l'Alliance s'estimaient en mesure d'assurer
leur sécurité face à la menace émanant
du Pacte de Varsovie. Enfin, les alliés désiraient
maintenir cette multinationalité de l'OTAN même après
la fin de la guerre froide, ce qui fait que les buts de cette formule
ont gardé toute leur validité:
Le fait que n'existe pas de solution alternative à la multinationalité
se traduit de plus en plus par les documents officiels établis
par le Ministère de la Défense, les conférences
faites par les ministres compétents et l'inspecteur général
des armées, mais avant tout par les "principes directeurs
de la politique de défense" décidés le
26 mars 1992 ainsi que par des documents officiels tels que le livre
blanc de 1994. Il en ressort que la capacité de défense
de la République fédérale se base sur sa capacité
de défense nationale et celle des alliés en tant que
défense nationale élargie, et elle est complétée
par la capacité de participer à la prévention
et gestion de crises sur la base d'une coopération multinationale.
C'est ainsi que le noyau de la politique de sécurité
allemande est représenté par l'amitié pour
et la coopération avec les alliés, l'approfondissement
et l'élargissement de l'intégration européenne
étant également un facteur majeur dans le renforcement
de la capacité d'action de l'Europe.
Un autre aspect - mentionné dans le livre blanc de 1994 -
de la politique de sécurité et de défense allemande
est le souci de gagner à l'Est des partenaires stables, démocratiques,
puissants et qui sont sur un pied d'égalité avec les
autres pays européens: pour atteindre cet objectif, l'Allemagne
va élargir la zone de prospérité et de stabilité
occidentale au-delà de ses frontières ce qui implique
outre la liaison euro-atlantique une coopération étroite
avec les Etats voisins est.
Dès lors, le spectre d'une activité multinationale
est presque sans limites et, du point de vue allemand, il a gagné
une autre dimension encore avec la création en 1998 du Corps
germano-danois-polonais: cet exemple démontre que la multinationale
permet même une coopération avec des Etats de l'ancien
pacte de Varsovie, bien que s'imposeront à l'avenir toujours
un grand nombre de compromis et d'expériences. Aujourd'hui,
la multinationalité est une caractéristique témoignant
de structures politiques et militaires propres à l'OTAN -
en tant qu'alliance défensive collective - depuis sa création
en avril 1949. Certes, les efforts de construire une communauté
de défense européenne entrepris dans les années
50 ont échoués, mais des structures de commandement
intégrées OTAN existaient dès le début
du conflit Est-Ouest4. Depuis sa création, la Bundeswehr
y est incorporée, et des cellules multinationales comme par
exemple le Corps germano-danois LANDJUT, existant depuis 1962, ou
bien la force mobile du commandement allié en Europe (terre),
l'AMF (L), mise sur pied en 1962, montrent qu'il y a déjà
une longue tradition multinationale.
Par principe, les forces armées allemandes sont employées
en commun avec des forces alliées sous les auspices de l'OTAN
et de l'UEO. Aussi, la capacité de coopérer avec les
partenaires au sein de structures de commandement variées
revêt-elle une grande importance, et, en temps de paix déjà,
la Bundeswehr en tient compte par l'incorporation de structures
multinationales dans ses forces ainsi que par le rattachement de
formations. La marine, pour sa part, participe à toutes les
Forces navales permanentes de l'Atlantique, de la Manche et de la
Méditerranée (STANAVFOLANT, STANAVFORCHAN, MCMFORMED
et STANAVFORMED), des exercices étant organisés régulièrement
à l'échelle internationale.
Tout comme la marine, l'armée de l'air est intégrée
fermement dans la défense aérienne de l'Alliance à
travers sa présence dans des états-majors et des états-majors
de planification communs, tandis que l'armée de terre, à
son tour, est représentée dans tous les corps d'armée
stationnés en Europe centrale ainsi que dans les groupements
d'intervention rapide de l'OTAN. Au-delà sont effectuées
dans un cadre multinational des tâches communes en matière
de contrôle de l'espace aérien, du transport aérien
et de la formation. Aussi, la multinationalité favorise-t-elle
l'intégration au sein de l'Alliance et permet de trouver
des solutions plus économes aux défis posés.
Car il est évident que la coopération entre les forces
armées de différentes nations - que ce soit dans le
cadre d'engagements internationaux de l'OTAN ou dans le contexte
d'alliances - se heurte à nombre de problèmes. Ces
derniers ne sont pas exclusivement de nature linguistique, culturelle
ou historique mais relèvent également de facteurs
économiques et d'organisation que nul ne devrait ignorer.
En raison des nombreuses requêtes, la déléguée
parlementaire aux forces armées en est parvenue à
la même conclusion, et, à ce qu'il paraît, il
s'agit là de la première prise de position officielle
concernant le fait que l'on doit accorder plus d'attention que dans
le passé à la coopération internationale dans
les formations multinationales. Dans son rapport annuel de l'année
1995 elle estime:
"... les forces armées nationales soutiennent différentes
opinions au sujet de la formation morale et civique. Les mesures
étendues de protection juridique des militaires allemands,
une instance des pétitions de droit spécial incluse,
la participation militaire régie par la loi ou bien les rigoureuses
dispositions de sécurité concernant la Bundeswehr
ne sont pas compris, acceptés ou même approuvés
par tous les partenaires. Je considère qu'il est absolument
nécessaire que soit abordé
4 Cf. la présentation faite par le Brigadegeneral Millotat,
BMVg 3.12.1998.
ce sujet. Vu les grands efforts destinés à l'introduction
d'un régime convenable et praticable il doit être tenu
compte du fait qu'une intervention majeure dans le statut légal
des militaires relève de la seule compétence du parlement.
A la conception de la formation morale et civique telle qu'elle
a fait ses preuves au sein de la Bundeswehr depuis quarante ans
et qui repose sur le concept du citoyen en uniforme ne doit pas
être porté atteinte5...."
2. La multinationalité en conflit
entre souveraineté et intégration
Ce sont avant tout les différentes
structures militaires des forces armées, les différentes
traditions et conceptions de commandement (parmi lesquels - à
l'échelle internationale - comptent aussi la formation morale
et civique de la Bundeswehr), ainsi que des problèmes juridiques
qui font bien souvent obstacle à la coopération entre
différents contingents de forces armées nationales.
Vu le contexte historique des bases de droit constitutionnel de
la mise sur pied des forces armées des Etats occidentaux
il est évident qu'elles offrent souvent des différences
fondamentales déjà en raison de l'évolution
de leurs constitutions6.
Ces différences sont encore plus prononcées quant
aux systèmes de droit militaire respectifs en ce qui concerne
le statut juridique des militaires, le droit disciplinaire, le droit
de réclamation des militaires et d'autres domaines de droit
militaire. Les mêmes écarts - souvent bien plus éclatants
- subsistent dans les conceptions de commandement des forces armées
respectives, et ils se font sentir avant tout dans la vie quotidienne
de formations multinationales. En effet, quand les forces armées
de différentes nations aux conceptions de droit et de commandement
distinctes se rencontrent, les différences entre elles deviennent
visibles tout de suite quand une coopération s'impose. Même
la volonté la plus grande de coopération trouve ses
limites dans les dispositions de droit et les principes de commandement
nationaux. Ces limites deviennent d'autant plus clairs qu'est recherchée
une coopération profonde, notamment quand il s'agit de la
subordination de militaires au commandement d'une autre nation.
3. Les structures d'organisation de formations
multinationales
Les efforts destinés au nivellement
de divergences juridiques et d'organisation à l'échelle
européenne remontent à l'année 1955. Le traité
sur la Communauté européenne de défense (CED),
qui a échoué à l'époque en raison de
sa non-ratification par l'Assemblée nationale française,
prévoyait dans son article 132 des "forces armées
européennes", l'idée fondamentale - d'après
l'article 79 du traité de la CED - étant que ces forces
devaient être soumises à une réglementation
unique. C'était à travers la création d'une
communauté européenne de défense que devait
naître une organisation supranationale, l'idée de défense
seule se situant au premier plan. Si, à l'époque,
le traité avait été ratifié, les problèmes
actuels quant à la question de forces armées européennes
communes ne se poseraient à bien des
Cependant, la volonté politique des Etats de l'Union européenne
de se doter, dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale (UEO),
de structures communes de forces armées n'a perdu rien de
son actualité. Simultanément, elle met toutefois en
évidence qu'il ne pourra plus s'agir, à long terme,
de seulement remédier aux faiblesses de la coopération
entre formations multinationales, mais qu'il sera question de parvenir
également - dans le cadre d'un processus politique voulu
- à l'introduction à long terme d'une réglementation
et de dispositions communes régissant des "forces armées
européennes communes" au sein de l'Union européenne.
Jusqu'à présent se sont développés trois
types d'organisation des grandes unités militaires à
partir de la brigade et au-dessus; le principe de "lead-nation",
le principe de "framework nation" et le principe de "l'intégration".
a) Le principe de "lead-nation"
Le IIe Corps d'armée (GE/US) stationné
à Ulm et le Ve Corps d'armée (US/GE) stationné
à Heidelberg sont organisés d'après le principe
de "lead nation". Dans le cas du IIe Corps d'armée
(GE/US), le rôle de 'lead nation' incombe à l'Allemagne,
dans le cas du Ve Corps d'armée (US/GE) aux Etats Unis. En
tant que nation directrice, la 'lead nation' respective est responsable
de toutes les questions relatives au commandement et au fonctionnement
du Corps d'armée. Les états-majors des deux Corps
d'armée sont purement nationaux et ce sont seulement les
éléments de liaison qui sont affectés durablement
à l'état-major du Corps d'armée partenaire.
Le côté américain a donc installé son
élément de liaison auprès du IIe Corps d'armée
(GE/US) tandis que le côté allemand dispose d'un élément
comparable au sein du Ve Corps d'armée (US/GE). Le principe
de "lead nation" prend en compte les spécificités
nationales de la nation directrice respective. Ni pour l'organisation
des procédures d'état-major ni en matière de
planning de projets et d'exercices doivent être trouvées
des solutions de compromis, et dans les états-majors, aussi
bien le personnel que les idées sont d'origine purement national.
Dans l'optique de la multinationalité il s'agit là
certainement d'un inconvénient.
b) Le principe de "framework nation"
Le "principe de framework nation"
prévoit que l'une des nations est responsable du commandement,
de l'administration et du soutien logistique du quartier général.
Est organisé d'après ce principe le Allied Command
Europe Rapid Reaction Corps: la Grande Bretagne fournit près
de 70 % du personnel de son état-major, les autres postes
étant partagés entre les 10 nations qui mettent en
place les forces de ce corps d'armée. Aussi dans les formations
et unités multinationales organisées d'après
le principe de "framework nation" n'est cependant pratiquée
qu'une multinationalité marginale. Etant donné que
seulement l'une des nations est responsable des fonctions de commandement,
d'administration et de soutien logistique du quartier général,
l'influence de la nation en question est telle qu'il est
7 Cf. Chr. Millotat dans "Festschrift fur Klaus Dau",
1999, pages 156 à 158.
difficile de procéder à une coopération entre
partenaires égaux. Aussi, les problèmes rencontrés
dans la répartition des postes ainsi que dans l'organisation
du travail et des procédures d'état-major ne sont-ils
pas faciles à surmonter car la "framework nation"
ne prend souvent en compte les intérêts des partenaires
qu'accessoirement.
c) Le "principe de l'intégration"
C'est dans les cas du Corps européen,
du Ier Corps d'armée germano-danois ainsi que du Corps d'armée
germano-danois-polonais multinational nord-est que le "principe
de l'intégration" a été mis en uvre.
L'une des caractéristiques des états-majors organisés
véritablement sur la base de l'intégration est le
fait que les partenaires y participent à tous les égards
avec les mêmes droits et obligations. Ceci est assuré
à travers l'instauration de postes à rotation pour
les fonctions de commandement particulièrement importantes
comme par exemple celles du général commandant le
corps d'armée, du commandant adjoint et du chef d'état-major.
Ces fonctions sont assumées par les nations à tour
de rôle pour une durée fixée, un équilibre
dans l'occupation des postes étant garanti à tout
moment.
Dans l'optique d'une coopération entre partenaires égaux,
c'est le principe de l'intégration seul qui satisfait parfaitement
aux exigences de la multinationalité. Les personnels des
nations participantes sont employés conjointement dans les
états-majors sans que l'une d'entre elles puisse exercer
une influence prédominante en raison du nombre ou la qualité
des postes qu'elle occupe, les contributions financières
et personnelles se faisant également sur une base équilibrée.
Aussi, les formations et unités organisées selon le
"principe de l'intégration" conviennent-elles particulièrement
aux engagements multinationaux dans le cadre de la gestion de crises
ce qui n'a pas seulement démontré l'emploi de la Brigade
franco-allemande au sein de la SFOR; l'engagement d'effectifs importants
du quartier général du Corps européen dans
le cadre de la SFOR en Bosnie, engagement en cours depuis 1998,
en fournit également la preuve. Ce sont donc avant tout les
formations et unités multinationales organisées selon
le "principe de l'intégration" qui sont en mesure
d'exercer une fonction de catalyseur dans le processus de l'intégration
européenne.
Pour l'armée de terre allemande jouent un rôle majeur
dans la mise en uvre des formations et unités multinationales
des tâches et des missions bien définies en temps de
paix tout comme en opération ainsi que des solutions faisables
en ce qui concerne la coopération dans les domaines mis en
évidence. Les négociations de plusieurs années
sur l'accord de Strasbourg pour le Corps européen, les traités
portant sur le Ier Corps d'armée germano-danois mais aussi
les négociations en cours sur le traité du corps d'armée
multinational nord-est le démontrent: il y a plusieurs facteurs
qui sont en jeu. Ceux-ci vont du droit de séjour dans la
nation hôte des personnels des formations et unités
multinationales aux avantages fiscaux et d'autres règlements
pouvant faire l'objet d'accords complémentaires en passant
par l'autorisation du chef de corps/général commandant
le corps d'armée de conclure des accords ainsi que par la
question du statut international et de la personnalité juridique
du quartier général.
Le séjour sur le territoire de la nation
hôte des personnels des formations et unités multinationales
doit reposer sur une base juridique sans équivoque. Dans
ce contexte doivent être harmonisés les besoins et
les exigences du personnel de l'Etat d'origine avec ceux de la nation
hôte. Aussi bien la Convention OTAN sur le statut des forces
en date de 1951 que le Protocole de Paris datant de l'année
1952 restent par principe valables pour les formations et unités
multinationales. Sont visés toutefois par le Protocole de
Paris les quartiers généraux OTAN ce qui fait que
le Protocole, du point de vue allemand, ne peut être mis en
application sans une structure de commandement OTAN. Ce facteur
a joué un rôle particulier dans la détermination
de règlements spécifiques de statut et de droit fiscal
lors des négociations sur le traité du corps multinational
nord-est. *
Cependant, la multinationale n'est pas une fin en soi et elle serait
mal conçue si elle n'était pas en même temps
l'expression d'une volonté politique commune. Simultanément,
elle est une chance tout comme une idée à travers
laquelle les efforts nationaux sont orientés vers des objectifs
communs. Ceci ne peut se faire que dans le cadre de la "Stratégie
and Operational Community" et dans des conditions juridiques
appropriées.
4. Les formes juridiques potentielles de
formations multinationales
C'est ainsi que l'on s'interroge maintenant
sur les formes juridiques potentielles que peuvent prendre dans
le futur les formations multinationales. Par formes juridiques on
entend certaines situations, structures ou organisations qui sont
juridiquement fixées. Vu sous l'angle de la question initiale,
il y a des formes juridiques aussi bien sur le plan national qu'international
(de droit international): une telle distinction s'impose car en
relève la question de savoir si la forme juridique choisie
doit entraîner la capacité juridique ou non. Au niveau
du droit international vient s'ajouter encore la décision
si la capacité juridique de la structure à créer
doit se limiter au territoire (d'un Etat) étranger ou être
valable aussi pour le droit international, c'est-à-dire que
la structure pourra entretenir des relations avec d'autres sujets
de droit international9.
Par conséquent, la question primordiale n'est pas celle de
la forme juridique à choisir pour les formations multinationales
mais d'abord celle de l'objectif que les formations doivent poursuivre.
A cet égard, le droit national et le droit international
ne se juxtaposent pas sans aucune relation. Car si le droit constitutionnel
national - dans l'esprit par exemple de l'article 24 de la loi fondamentale
de la République fédérale d'Allemagne - prévoit
que les droits de souveraineté peuvent être conférés
aux institutions intergouvernementales, cette disposition ne se
limite peut-être pas aux seules "organisations internationales"
dans le sens du droit international. Une institution, par contre,
qui n'est pas prévue en tant que telle par le droit international,
ou bien n'y joue pas de rôle juridiquement signifiant, ne
peut guère constituer une institution "intergouvernementale"
aux termes de l'article 25, alinéa I de la loi fondamentale.
Au cas où le transfert à une
formation multinationale, ou bien à son quartier général
des droits de souveraineté serait envisagé, il devrait
donc s'agir - d'après le droit constitutionnel allemand -
d'une "institution intergouvernementale" susnommée,
institution se situant dans l'esprit de l'article 24, alinéa
1 de la loi fondamentale. La question de la transmission des droits
de souveraineté se pose par exemple dans le domaine du service
de garde quand des militaires d'autres nations exercent des fonctions
de garde avec tous les droits afférents dans les installations
de la République fédérale. Le débat
centré sur une propre forme juridique des formations multinationales
intégrées n'est cependant pertinent que si la formation
dispose en même temps de sa propre personnalité juridique.
En tant que forme juridique appropriée à la mise en
uvre de formations multinationales pourrait être prise
en considération outre "l'union administrative internationale"
aussi "l'institution administrative plurinationale". Ces
dernières reposent sur des accords entre les Etats participants,
jouissent de privilèges et d'immunités et sont chargées
de fonctions administratives sans pour autant disposer nécessairement
de compétences souveraines et de droits à l'action
ferme.
De même, "l'union administrative internationale"
conviendrait-elle en tant que forme juridique appropriée
à une formation multinationale, quoique non binationale,
intégrée. Figurent parmi les exemples pour l'union
administrative internationale les Commissions internationales des
fleuves et de la pêche et l'Organisation internationale des
postes et télécommunications. Des exemples pour les
institutions administratives plurinationales de droit public sont
l'Agence astronautique européenne (ESA) et EUROCONTROL ainsi
que l'Organisation européenne du contrôle de la circulation
aérienne. Les forces armées en tant que telles étant
comptées - dans le contexte national - au pouvoir exécutif,
soit l'administration, les formations multinationales pourraient
absolument être conçues comme union administrative
ou institution administrative plurinationale. La compétence
de décider de leurs fonctions, attributions, organes et privilèges
relèverait finalement aux Etats participants.
En outre devrait-on s'interroger si la création de propres
formes juridiques pour les formations multinationales - à
quel degré que ce soit - ne devrait pas être complétée
par des mesures à prendre à l'échelle politique,
car la multinationalité ne suscite pas seulement un conflit
entre la tradition et l'intégration mais aussi le dilemme
entre la souveraineté et le renoncement à certains
droits. Dans cette optique d'une conception détaillée
du futur il n'y a pas de solution alternative à la multinationalité.
Ce dont nous avons besoin c'est un approfondissement et un élargissement
continu de l'intégration afin que puissent être formées
à la fin de cette évolution des forces armées
européennes intégrées à l'OTAN, forces
qui sont en mesure d'apporter une contribution appropriée
à la paix en Europe ainsi qu'aux mesures à prendre
dans les régions de crise dans le monde entier.
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